Dans De la postcolonie, Achille Mbembe dit être contre la pensée de la différence, de la séparation, de l’identité, et milite pour l’enchevêtrement et la circulation des semblables. Le problème que cette pensée me pose est celui du semblant entre semblables. Affirmer que le monde est fait de semblables, est une nécessité, un devoir, un impératif moral et humain, car les Euro-Américains comme les Africains sont aveuglés par les éblouissements des « couleurs », les leurs comme celles des autres, au point de ne pas voir l’en-commun dont parle cet auteur. Cette pensée de l’en-commun, du semblable, renvoie à celle de l’hybridité. Les hybrides n’ont de soi que multiple, c’est la multiplicité et donc l’enchevêtrement en eux qui crée l’unité. La forme-sujet hybride est donc à l’opposé de celle construite par la dynamique du capitalisme en Occident, en ce qu’elle a pour principe l’expulsion de soi de ce que Mbembe appelle justement la « part ténébreuse de la raison et de la vérité ». C’est donc en toute logique que ces enchevêtrements conduisent à un devenir nègre du monde capitaliste, car le nègre n’est plus réductible à une question chromatique. On ne peut donc lire De la postcolonie en le séparant de Critique de la raison nègre. Les nègres sont donc tous les semblables qui ont en commun la même condition. Le problème surgit lorsque l’on se rend compte que l’hybride et donc le semblable a en lui l’Autre historiquement constitué et qui se positionne en lui comme ennemi intime, la part Autre de soi qui le nie comme humain, et qui dans les rapports sociaux, fonctionne sur le semblant. Mon problème est ce rapport social fait de semblant en semblables, et qui se construit, se consolide, par les dispositifs d’éblouissements.